Selon la même analogie où on a l'impression que les médecins sont moins malades on pourrait penser que les apiculteurs sont moins attaqués et moins piqués par les abeilles. Mais il n'en est rien et les apiculteurs ne sont pas à l'abri des piqûres. Pour éviter d'être piqué, on prend quelques précautions : on évite d'aller voir nos protégées lorsque le temps n'est pas propice, quand il y a trop de vent, qu'il y a de l'orage, ou que c'est un jour sans. Quelques fois j'ouvre une ruche et au lieu d'avoir des abeilles calmes, elles sortent comme des furies. Dans ces cas là, s'il n'y a pas d'opération urgente à faire, je referme. Ce n'est pas la peine de s'acharner.

En 2023, lors d'une visite où il faisait très chaud, j'avais mal fermé ma combinaison. Après avoir ouvert la deuxième ruche, 2 abeilles sont entrées dans ma combinaison. Je n'ai pas eu le temps de faire grand chose. J'aurais pû m'éloigner calmement et les faire sortir mais elles m'ont piqué presqu'aussitôt, une sous le menton et une autre sur la joue. J'ai refermé la ruche et je suis allé me mettre à l'ombre. J'ai beaucoup gonflé. Les piqûres sur le visage sont toujours impressionnantes. Je n'ai pas eu d'autres symptômes. Mais sur les conseils de mon médecin généraliste, je suis allé voir une allergologue. Même en sachant que j'étais apiculteur, elle n'a pas jugé nécessaire soit de me demander d'arrêter mon activité apicole soit de me faire désensibiliser. Elle m'a tout de fourni un protocole à respecter en cas de nouvelle piqûre avec réaction. J'ai une trousse de secours avec un antihistaminique, de la ventoline et une seringue autoinjectable d'adrénaline. Cela pourrait sembler inquiétant mais cela peut me sauver la vie en cas de réaction sévère et soudaine.

L'année dernière, après avoir terminé une visite avec un ami, on s'éloigne et on retire nos combinaisons. On range notre matériel et on discute tranquillement. A ce moment là, je vois arriver une abeille qui me pique directement sous l'œil. On était à environ 50 mètres mais c'était encore trop proche. Cette fois j'ai eu une réaction délocalisée. J'avais de l'uticaire sur les avants bras. J'ai pris mon antihistaminique et environ 30 minutes plus tard je n'avais plus rien. Cette fois, mon allergologue en a conclu que j'étais désormais allergique au venin d'abeilles. Une analyse sanguine a confirmé cela. Elle m'a alors proposé deux options : soit arrêter l'apiculture, soit me faire désensibiliser. J'ai bien évidemment choisi l'option de désensibilisation en espérant que cela fonctionne. J'ai toujours ma trousse de secours avec moi.

J'ai commencé le protocole de désensibilisation au mois d'août 2024 par une journée en hôpital de jour. Je suis sous surveillance médicale. On m'injecte de toutes petites quantité de venin en prenant ma tension, en surveillant mon rythme cardiaque,... Si tout se passe bien, on continue avec des doses plus importantes. Un mois plus tard, même chose avec toujours une augmentation des doses injectées. Et j'ai finalement faire une troisième journée qui elle aussi s'est bien passé.

Ensuite, commence le protocole d'entretien, toutes les 4 semaines pendant 5 ans : je me fais injecter une peitite dose de venin. L'idée est d'habituer le corps au venin pour que la réaction soit moins violente. Cette piqûre est environ équivalente à la quantité de venin que m'injecterait une abeille en me piquant. Je ne suis plus obligé d'aller à l'hôpital. Mon médecin peut faire cette injection. Je dois juste rester sous surveillance pendant 30 minutes. J'en suis à 6 injections d'entretien. Les réactions sont de plus en plus faibles signes que mon corps s'habitue. C'est bon signe. Je vais devoir suivre ce protocole pendant 5 ans. C'est long et contraignant mais cela me permet de pouvoir continuer ma passion.

Il y a beaucoup de personnes allergiques au venin d'abeilles parmi les apiculteurs mais surtout lié au fait qu'ils sont plus en contact avec les abeilles et ont donc beaucoup plus de risque d'être piqué et de développer une allergie. Mais même en étant allergique, on peut continuer l'apiculture.